Le bonheur au plancher : 6 raisons pour mieux le comprendre

Le bonheur au plancher : 6 raisons pour mieux le comprendre

Le niveau de bonheur des Québécois n’a jamais été aussi bas. Que faut-il en retenir?

L’analyse des données de l’Indice de Bonheur Léger (IBL) cumulées entre le 13 mars et le 7 mai 2020 et comparées à celles prévalant en des « temps normaux » (avant le 13 mars) nous fournit des informations intéressantes de l’effet de cette pandémie sur plusieurs facteurs de bonheur, et ce, en seulement deux mois. Elle permet d’identifier des tendances qui pourraient, certes, s’accentuer au fil des évènements.

 

1) Un désaveu du présent

Dans le questionnaire IBL, une question est systématiquement posée depuis 14 ans. Elle se lit comme suit : « Si vous en aviez la possibilité, préfèreriez-vous vivre votre vie actuelle dans le passé (il y a 50 ans), dans le présent, ou dans le futur (dans 50 ans)? »

En temps normal, 76% de la population choisit le présent, ce qui est nettement favorable au bonheur individuel. Aujourd’hui, cette proportion est tombée à 66%. À l’inverse, le choix du futur pour vivre sa vie a doublé, passant de 5% à 11% de la population. Et cette tendance est nettement plus forte chez les hommes que chez les femmes (18% vs 6%).

Une autre donnée appuie l’attrait du futur et alimente le désaveu du présent en cette période pandémique. Alors que seulement 42% des Québécois, avant le 13 mars, considéraient que la société de demain serait meilleure que celle d’aujourd’hui, cette proportion est maintenant passée à 48%. Et encore une fois, les hommes sont plus nombreux à le penser.

Cet attrait du futur n’est pas le fruit d’un optimisme retrouvé, mais davantage d’un refus d’affronter l’actuelle difficulté du présent, d’un réflexe de défense un peu paradoxal. Malgré l’attrait du futur, les Québécois sont cependant plus nombreux maintenant qu’avant le 13 mars à se dire inquiets face à l’avenir (71% vs 66%). Et cette inquiétude atteint un sommet auprès des 18-24 ans (79%). Mais que leur offrons-nous?

Et pour ajouter à ce désaveu du présent, c’est maintenant 61% de la population, plutôt que 56% avant le confinement, qui croit que la société dans laquelle nous vivons rend plus difficile l’atteinte du bonheur personnel. Cette proportion atteint même 71% chez les 18-24 ans.

Mentionnons que la période que l’on vit fait également paraître le passé plus intéressant. Les Québécois sont maintenant 23% à vouloir vivre, si cela était possible, leur vie dans le passé, contrairement à 19% avant la période de confinement.

Les Québécois sont plus nombreux à se projeter devant, ou derrière.

 

2) Des relations sentimentales fragilisées

C’est en période de crise que ressort le meilleur, mais également le pire. Que les petits bobos deviennent soudainement plus gros. Les relations sentimentales ou de couples n’y échappent pas.  Avant le confinement, 62% des personnes qualifiaient de satisfaisantes ou même de très satisfaisantes leurs relations sentimentales ou de couples. Cette proportion, depuis le 13 mars, a chuté à 48%. Une baisse importante de 14%. Le confinement, manifestement, n’est pas facile à vivre d’un point de vue sentimental.

 

3) Un accroissement de l’insécurité

Cette insécurité s’exprime physiquement et psychologiquement. L’IBL, dans son questionnaire, demande aux répondants d’évaluer, dans leur vie quotidienne, leur niveau d’inquiétude par rapport à leur sécurité physique. Avant le 13 mars, 25% des Québécois évaluaient cette inquiétude de moyenne à élevée; cette proportion est passée à 37% depuis la période de confinement. Elle atteint même 47% pour les 18-24 ans.

Pour le volet psychologique, nous référons au harcèlement :celui physique et/ou verbal et/ou psychologique. Avant le 13 mars, 18% des Québécois disaient ressentir, à l’occasion ou souvent, ces formes de harcèlement. Aujourd’hui, cette proportion est de 29%. Un accroissement de 11%. Sans surprise, ces formes de harcèlement grimpent à 33% auprès des femmes.

 

4) Une sérénité perturbée

Pour le bonheur, il est nécessaire de se poser des questions, mais pas trop. Ceux qui s’en posent sans cesse, sur tout et rien à la fois, affichent systématiquement un déficit de leur niveau de bonheur. Conséquence de la pandémie, nous nous posons trop de questions, questions souvent auxquelles nous ne pouvons répondre.

Maintenant, nous ne sommes plus 78% à nous poser souvent ou à l’occasion toutes ces questions sans réponse, mais à 84%. Et cette proportion atteint même 92% chez les 18-24 ans.

Autre indicateur de notre sérénité perturbée par la pandémie : la peur de vieillir. Cette peur est tout doucement passée de 52% à 56%. En seulement deux mois. Il est plausible que l’idée de vieillir soit fortement altérée par les images que les médias nous envoient des personnes âgées.

 

5) Des finances affectées

Elles le sont moins cependant que ce à quoi on aurait pu s’attendre tellement les impacts économiques de la pandémie semblent sans fond. 72% des Québécois se disaient satisfaits de leur situation financière avant le 13 mars, c’est maintenant 67% qui le prétendent depuis cette date. On peut penser que cette proportion serait plus faible sans tous les incitatifs et aides gouvernementales mis de l’avant.

 

6) Une liberté ainsi qu’une vie rêvée altérées

Systématiquement, nous demandons aux répondants de l’IBL d’évaluer leur sentiment de liberté et de nous dire s’ils vivent la vie dont ils rêvaient. Ces deux éléments sont fondamentaux et réfèrent à deux des facteurs les plus influents du bonheur, soit la liberté et l’accomplissement.

Quand le sentiment de liberté bouge, le bonheur suit. Dans les mêmes proportions, ou presque. Depuis le 13 mars, ce mouvement s’observe, et fortement. Pendant que le sentiment de liberté passait de 76,90 à 70,10 (écart de 6,80 points), l’IBL chutait simultanément de 75,30 à 69,60 (écart de 5,60 points). Et c’est encore auprès des 18-24 ans que l’on observe le plus faible sentiment de liberté (67,20).

Aussi, alors que 52% des Québécois affirmaient, avant le 13 mars, vivre la vie dont ils rêvaient, ils ne sont plus maintenant que 41% à le prétendre, proportion qui chute à 29% pour les 18-24 ans. C’est bien peu.

Conséquemment, les Québécois ne sont plus 18% à prétendre que leur niveau de bonheur s’est détérioré récemment, mais 26%.

 

Pas que du mauvais

La pandémie n’apporte pas que du mauvais. Selon nos données, elle conscientise et sensibilise davantage les gens. Ainsi, nous sommes plus nombreux qu’avant (62% vs 56%) à nous soucier des impacts ou des répercussions sociales et/ou environnementales dans nos comportements d’achats. Ce sont des intentions, bien sûr, mais les intentions préparent les actions.

Nous sommes aussi plus concernés par ce qui se passe dans notre société et dans notre collectivité. Mais avons-nous d’autres choix?

En résumé, des tendances se dessinent clairement et n’augurent rien de très réjouissant. Se poursuivront-elles? Bien difficile de le savoir tellement nous sommes tous dans l’inconnu face à ce qui nous arrive. Mais il importe de demeurer positif. L’optimisme, 9e facteur de l’Indice de Bonheur Léger, s’avère fondamental dans notre quête. Il ne s’agit pas ici de faire preuve de naïveté, mais de confiance. Confiance que nous trouverons les solutions pour revenir à une vie meilleure. Eh oui! Le fameux verre à moitié plein plutôt que celui à moitié vide!

 

Note méthodologique

L’Indice de Bonheur Léger (IBL) est basé sur l’auto-évaluation de plus de 100 000 répondants depuis 2018 dont 657 Québécoises et Québécois entre le 13 mars et le 7 mai. L’IBL est calculé sur la base d’un algorithme développé par Léger à partir d’un questionnaire de 34 questions.