Tradition à vendre!

Tradition à vendre! 

La transaction est sur le point de se conclure. Après de nombreuses années de tractations, de négociations, d'offres et de contre-offres, les deux parties sont maintenant sur le point de se rencontrer chez le notaire afin de signer les papiers légaux qui feront officiellement de Monsieur Commerce le propriétaire en bonne et due forme de la Tradition des Fêtes.

Et malgré toutes les implications que signifie cette transaction, il serait surprenant que cette nouvelle fasse la une des médias. Raison évoquée : Conflit d'intérêts. Pas directement, bien sûr, mais par publicité interposée.

Mais qui s'en plaindra? Parce que Monsieur Commerce a bien négocié son entente. Il extirpe de la Tradition des Fêtes les éléments un peu trop compliqués, cérébraux et pas vraiment intéressants (et vraiment pas payants) comme la religion, le recueillement et la spiritualité et il les remplace par la consommation, tout simplement.

De toute façon, la plupart des églises sont devenues des condos et même les personnes âgées ne les fréquentent plus, préférant la salle communautaire de leurs résidences. C'est tellement plus pratique.

Quant à la spiritualité, celle plus globale ou encore celle reliée à une tradition, on sait bien la place de queue qu'elle occupe dans les facteurs d'influence du bonheur. Pourquoi alors s'en faire?

Monsieur Commerce a vraiment pensé à tout. Il conserve évidemment le populaire et lucratif aspect famille de la Tradition des Fêtes même si, avec l'actuel taux de natalité, cela ne fait pas des familles très fortes, mais compense cette faiblesse par une consommation par personne plus grande. Tellement simple. Bien plus qu'un principe marketing, cette approche est carrément mathématique. Pas fou ce Monsieur commerce.

Mais Monsieur Commerce n'est quand même pas un sans cœur. Il applique à la lettre les grandes paroles de ce qui s'appelait avant l'Évangile et qui prêchait, entre autres, le fait de donner plutôt que de recevoir. Sensible et à l'écoute, Monsieur Commerce a bien compris que les bonnes gens avaient surtout retenu la signification matérielle de cette parabole.

Avec cette transaction, on peut maintenant parler de tournant, d'évolution, parce que tout ce qui s'en va par en avant semble être la seule définition qu'on accole à ce bien grand mot. Et que personne ne tente ici d'évoquer le passé, car, c'est bien connu et Monsieur Commerce le sait très bien, les gens nostalgiques souffrent tous d'un déficit du bonheur. Comme chacun court après le sien…

Et si Monsieur Commerce exagère un peu et pousse parfois trop fort la consommation, il n'a pas vraiment à s'en faire, car Madame Finance, son amie d'enfance, veille toujours au grain et se montre constamment disponible pour aider et prêter main-forte à ceux qui ont la consommation un peu trop facile.

Finalement, c'est une bonne chose cette transaction. On pousse la vieille tradition du temps des Fêtes en dessous du tapis avec les croutes de la pizza de Noël et les restes de la poutine des Rois et on passe à autre chose.